J'avais oublié de fermer la porte de la veranda. Un moment d'inattention? Je n'y crois pas. Juste un moment de paresse. J'avais encore le gout de la crèpe dans la bouche quand je sortit sur cette même veranda chercher un livre ... un livre. Il était sous la table, tache sombre sur le sol clair. AUcun bruit, aucun mouvement. Un petit oiseau, sans nom, les oiseaux n'en n'ont pas, et sans vie, surtout sans vie. Il ne fallait pas être sorcier pour comprendre la tragédie qui s'était déroulée quelque heures avant. Quelques heures, car son corps était déja rigide et avait pris la forme du sol, preuve évidente que c'est l'environnement qui nous faconne.Un oiseau pas très intelligent, une porte vitrée, une rencontre brutale au détour d'une envolée, le grand vide pour les deux...enfin, pour la porte ca n'a pas changé grand chose, sinon les quelques plumes qui y adhèrent encore (ca me fait penser au partie communiste, car je pense qu'avec lui au moins même les plumes n'auraient pas adhérées).
Poue en revenir à l'oiseau, il est là, sur le sol, mort comme seul les choses que la vie a quitté peuvent être. Bien sur, j'ai eu pendant un moment l'espoir que ce ne soit qu'étourdissement, et qu'il ne faisait qu'un somme réparateur, mais je me suis vite rappelé que les oiseaux ne dorment pas. Je n'ai rien trouver d'autre a faire que de m'asseoir à ses cotés, l'esprit vide. J'ai déjà vu la mort, enfin, je l'ai surtout beaucoup entendu. Des chiffres, des avions défaillant, des batiments plus ou moins grands qui s'écroulent avec plus ou moins d'aide, les moustiques que j'écrase quand ils veulent s'en prendre à ma sécurité, les pauvres araignées rouges que je prend un plaisir à répendre devant ma fenètre pour dessiner des scènes de batailles...mais chaque mort est si unique, et celle là si immédiate, si inattendue, et dont je suis indirectement responsable.
AU début, il y a la peur du petit corps mort, la peur de le toucher. Le respect du à notre éducation, les fragments des films ou soudain le cadavre se relève pour éventrer le héros (sauf que dans ce cas; je n'ai pas de tête de héros, et même, je vois mal ce que pourrais me faire ce petit oiseau). On touche timidement, on s'écarte, on en vient à prendre cet ex-être vivant dans les mains et à caresser sa parure mortuaire. Puis on pense. A quoi? à la vie, à la mort, à la finitude de l'être, à l'utilité des choses (l'utilité de la porte est déjà trouvé : mettre fin à l'utilité des oiseaux) et à quoi nous allons destiner cette carcasse. Une vision toute pragmatique serait de la donner en pature au chat du voisin. Une autre vision, égoiste, serait de la balancer chez le voisin, sur sa terrasse, et ainsi transmettre le probleme. Vient ensuite l'idée de faire une grande scène d'immolation, avec tout le quartier agenouillé devant le brasier, et des gens qui se flageleraient...non. En claire : le rendre au cycle de la nature, en temps que nourriture pour petites et grandes bebetes? ou alors de le considerer, moi humain, doué d'une pensée métaphysique, comme un être vivant aux aspirations mystiques, et lui rendre hommage. J'ai décidé pour un mélange des deux. Je l'ai pris avec un magazine protestant, "ensemble", pour le transporter jusque dans le trou que j'avais pris soin de creuser, où je l'ai enseveli avec posé dessus une branche de groseiller.
Mais il reste un point important, celui de la lecon que je vais tirer de cette scène de vie, si banale et si lourde de sens. J'ai d'abord décidé de la graver dans le temps avec ce petit texte, puis de ne pas l'oublier. Ensuite de réfléchir sur l'utilité de la vie. Bon, en fait ce sera pour une autre fois, il fait beau dehors ... je vais un peu sortir profiter de la vie.
Lui il est mort, il peut attendre, alors que moi...moi quoi? Pourquoi j'aurais plus de valeur et d'utilité que lui? Parce que je suis égoiste, fléau de la nature : je suis un homme!